» Ils étaient tous deux des érudits, des fous de connaissances, d'expériences et surtout, des avides de réussite. Deux chercheurs en poisons ne reculant devant rien pour parvenir à leur ultime but, pour parvenir à créer le poison ultime, celui qui décimerait des villages entiers, celui-là même qui tuerait sans problème de temps, sans problème de douleur, sans problème de reconnaissance. Mais qu'est-ce qu'un réel poison si celui-ci est parfait ? Un cadeau de Dieu, ou de Satan ? Un outil du bien, ou du mal ? Ils n'en savaient rien, et à vrai dire, ils se fichaient même des avis, des répercussions, des quelconques soucis que pourrait apporté l'expérimentation de cette solution ultime. De cette arme sans faille et sans défaut qu'ils avaient passé leur vie à tenter de créer, de mettre au point. Testant sans scrupules cette mixture sur de pauvres innocents qu'ils croiseraient au détour d'une ruelle, ou même le premier qui viendrait à frapper à leur porte, et qui ne ressortirait jamais de cette maison du malheur.
» Jikken et Keiken Yoku étaient un couple, une union étrange et morbide. Les deux amants étaient insatiables de connaissances et de découvertes, dans l'unique but de parvenir à leurs fins. Et ce, quel-qu’en soit le prix, ils étaient prêts à donné n'importe quoi pour réussir dans leur quête de la perfection du poison. Absolument tout, même leur propre enfant. Et c'est ce qui finit par arriver, lorsque Keiken apprit la magnifique nouvelle : elle attendait un bébé. Mais la magnificence de cette annonce n'était pas due uniquement à leur projet de devenir parents, non, ils voyaient en ce chérubin un animal de laboratoire, une expérimentation vivante destinée à recevoir toute les découvertes. Et quels parents ils pouvaient bien être, pour désirer faire de leur propre progéniture une recherche de leur propre démon. De ce monstre de leur avidité qu'ils avaient fait naître un matin de printemps. Et l'enfant qui en était née n'eut le temps de hurler son premier cri, que déjà, les idées fusèrent dans les esprits farouches et complètement abruties de ses parents. Le nouveau-né possédait des cheveux semblables à ceux de ses deux parents, d'un noir a la couleur des ténèbres et du désespoir. C'était une petite fille qui avait vue le jour ce matin. Et portée par l'inspiration de ces cheveux, Keiken vint à lui donner le nom de Makkura. Un réflexe maternelle, mais qui resterait toujours la seule attention que sa génitrice ait pu porté à son égards. Mais quel rejeton aurait voulu de cette vie, celle qui allait la confronté à des tests affreux de la part même de celle qui la lui avait donné ? Aucun, certainement.
» Mais la folie furieuse de ses deux procréateur ne voyait qu'en elle un sujet pour leurs opérations morbides et dangereuses. Et ce fut très tôt qu'elle y eut été confrontée, à l'âge même où la petite Makkura était encore incapable de faire entendre haut et fort ses douleurs, ses peines, son désappointement. A l'état de simple nourrisson, seul ses quelques pleurs retentissaient dans la grande maison de Satan, ainsi qu'elle avait été nommé par les bavards du village. Les rumeurs sur d'étranges disparations s'étant propagées telles une traînée de poudre.

» Et les années avaient passées, au même rythme que toutes les atrocités que le couple avait infligés à leur jeune enfant. Toute ces mixtures qu'elle avait pu ingurgitées, ou qu'on lui avait perfusés, l'application d'un supplice quotidien et toujours plus dangereux, avaient commencés à se ressentir sur le physique de la jeune enfant. Elle maigrissait, ses cheveux avaient blanchis, mais dérivant d'un noir au reflet de la mer la plus sombre qui soit, ils étaient passés par un état bleu, puis violet, et enfin, et jusqu'au jour d'aujourd'hui, sa chevelure était devenue d'un rose foncés, à la limite du rouge. Mais même cette transformation capillaire, et l'amaigrissement dont elle était devenue sujette, n'avaient inquiétés les deux érudits, cherchant toujours à aller plus loin, à faire mieux, à se rapprocher encore et toujours du poison parfait qu'ils recherchaient depuis des années et des années. Mais après tout, s'ils parvenaient à créer ce virus sans failles, le test sur leur propre enfant viendrait à causer sa mort. Et est-ce qu'ils s'en souciaient ? Nullement. Lorsqu'elle n'était pas sujette aux expérimentations, Makkura devait subvenir elle-même à ses propre besoins. Elle avait alors trois ans.
» Et ces expériences se continuaient, affaiblissant toujours plus la petite fille, mais qui résistait en dépit de tout. Désormais, c'était son teint qui en prenait les conséquences, devenue blafard au rythme des toxines administrées. Mais ça non plus, ça n'avait alerté ni Jikken, ni sa femme. A vrai dire, ils ne se souciaient pas de l'enfant, ne lui parlaient pas, ne la voyaient que lorsque les occasions se présentaient. A croire qu'ils n'en étaient pas les parents biologiques, tant ils semblaient détacher du sort de cette gamine.

» Et toujours a cette cadence morbide et rapide, le temps filait, et Makkura grandissait. Les opérations périlleuses et empoisonnées se succédaient presque plus souvent qu'auparavant. Mais, par chance, ne dit-on par que l'organisme finit par s'habituer et par contrer aux agressions causées ? C'est certainement ce qui a dû arriver, si bien que les effets quasi-mortels de ces mixtures démoniaques n'attaquaient plus son corps. Bien que les cicatrices du passé restaient ancrés sur son corps, ce corps si frêle, si pâle, si usé de tant de souffrances depuis toute ces années. Elle n'avait que dix ans, une unique décennies qui n'avait été que monstruosité permanentes, se succédant, toujours plus graves, toujours plus dangereuses et violentes. Et la jeune enfant avait compris bien vite, peut-être même trop vite, qu'elle n'apparaissait aux yeux de ceux qui lui avaient permis de vivre que comme un cobaye, un test vivant.
» Et la continuité de ces test ne la surprenait que peu, elle vivait ça comme un rituel récurant. Mais elle avait bien vite décidé de s'y intéressé, et au nombre de victimes de ces expériences cruelles, elle déduit rapidement qu'elle était, à priori, le cobaye numéro treize, et certainement le dernier. Et ce soir-là, la première idée masochiste de l'enfant lui vint, elle comptait marqué ce souvenir sanglant a tout jamais sur elle-même. Enfermée dans sa chambre, comme à chaque fois qu'elle ne servait pas de test, elle se saisit d'une simple aiguille, et d'un pot d'encre, traçant un treize couleur de la nuit sur son torse, un numéro qui représentait toute l'expérience de sa vie, toutes les mémoires de cette enfance détruite, réduite à sa chambre et au laboratoire de ceux qui lui servait de parents. Ce fut la première fois que Makkura goûtait à la souffrance personnelle. A la douleur infligée par soi-même, de cette trace indélébile et immortelle qui l'as marquait à tout jamais. Et c'est dans un triste sourire de douleur qu'elle exprimait l'ivresse de cette géhenne singulière.

» C'est lorsqu'elle atteint quatorze ans que la jeune fille eut décidé de commettre l'irréparable. Au fil des années où cette rancœur et ce désir de vengeance pour ses procréateurs l'avaient travaillés, elle s'était elle-même renseignée sur tout ce qui l'entourait, prenant connaissance du ninjutsu médical, qui deviendra certainement sa vocation de base, s'intéressant au sujet des poisons. Ainsi que sur la carte du Yuukan. Elle était née dans un petit village isolé, sans aucune histoire. Peut-être que c'était le but de ses parents, se reculait le plus loin possible, à l'abri des représailles, pour parvenir à leurs fins. Tout semblait affreusement clair aux yeux de la jeune fille qu'elle était à ce moment là.
» Elle attendit la nuit, se levant en cachette pour s'éclipser dans le laboratoire de ses supplices. L'idée était simple, au petit matin, elle empoisonnerait ses semblants de géniteurs, les laissant mourir de souffrance. Après tout, personne ne viendrait s'inquiétait du sort de ces monstres, de ces affreuses personnes qui ne cherchaient à assouvir que leur désirs personnels. Et même leur cohabitation ensemble intriguait leur fille, comment Jikken et Keiken avaient pu travailler des années côte à côte sans jamais utilisait l'autre comme cobaye. Ces personnes, et à tout point de vue, restaient pour la jeune fille aux cheveux colorés par les poisons de parfaits inconnus, des fantômes qu'elle ne rencontrait qu'à l'heure de se faire meurtrir l'organisme.
» C'est au petit matin que ce plan démoniaque s'apprêtait à s’exécuter, derechef, elle avait quitté sa chambre miteuse, rejoignant la cuisine. Keiken avait préparé leur café matinale, qu'ils buvaient entre deux visites au laboratoire, Makkura profita du moment où sa mère, si toutefois elle pouvait la nommer ainsi, tourna le dos, cependant que l'adolescente versait le contenu de la petite fiole dérobée dans chacune des tasses. Son méfait accompli, elle rejoignit sa chambre, attendant la mort lente et douloureuse des deux êtres responsables du chaos de sa vie.

» Ce n'est que lorsque que le temps avait passé, et que les heures s'étaient écoulées, que l'empoisonneuse quitta son repère. Elle priait sincèrement et silencieusement que le liquide toxique ait fonctionné, sans quoi, s'en était finis de sa misérable vie. Quoique, la mort serait un bien trop doux châtiment aux yeux de ces personnes sans cœur. Alors quoi ? Que pourraient-ils faire ? Redoubler d'intensité dans leur poison ? A quoi bon, l'organisme de la jeune fille c'était malheureusement habituée à cette douleur permanente. Dans le fond, elle se reprochait ses songes, qu'est-ce que ça pourrait bien lui faire de savoir le sort qui lui serait réservé dans le cas où son plan aurait échoué.
» Elle avait réussi, elle avait tuer les deux coupables des sévices dont elle avait été victime tout ce temps durant. Mais voilà que c'était finis, voilà que c'en était réglé, voilà qu'elle était libre. Libérée de toute obligation, libérée des poisons même. Mais ce sentiment de vie n'était déjà plus présent, elle n'avait senti ce souffle de vitalité qu'à l'instant même où elle avait découvert la mort de ces êtres. Elle n'avait senti cette existence qu'à l'instant où elle avait accomplie sa vengeance.
» Voilà qu'elle ne se sentait vivre que dans la mort, que lorsqu'elle décidé elle-même du choix de vie ou non.

» Elle avait erré durant deux longues années, sept cent trente jours à vagabonder ci et là. Makkura cherchait l'endroit de ses désirs, l'endroit qui lui permettrait de se sentir réellement vivante, l'endroit qui lui permettrait de tuer sans scrupule. Elle avait changé de nom, gagnant le second prénom synonyme de bonheur, et son patronyme était devenue Démon, Akuma. Makkura Sachi Akuma, ainsi qu'elle avait décidée d'être reconnue, en dépit du sobriquet attribuée par ceux qui avait eu vent des victimes engendrée par la jeune femme. L'empoisonneuse, ainsi qu'on la reconnaissait dans ses crimes. Ça lui plaisait, étrangement, ce surnom malsain l'enivrait. Elle avait tenu elle-même à choisir son nom commun, celui par lequel elle se présentait, se reconnaissant comme un semblant de Démon à la traque d'un stupide bonheur qu'elle n'avait jamais connu, et qu'elle souhaitait à tout prix évincé. Causer le malheur partout où elle le pourrait. Effacé la joie de ceux qui avait eu le droit et la chance de la connaître.
» Mais cette aventure, cette errance avait pris fin, elle avait décidé de se rendre l'unique village qui avait pu l'intéresser durant les années où elle découvrait le Yuukan. Dokusai, ainsi que ce nommait l'endroit où elle se décidait à pouvoir commettre sans représailles, à pouvoir tuer sans souci d'autrui. C'était pour elle le lieu saint, le lieu après lequel elle avait courru ses deux années durant. Elle avait seize ans lorsqu'elle y entra. Seize ans et déjà plusieurs victimes à son actif. Seize ans et déjà une connaissance des poisons et du ninjutsu médical qui faisait sa force. Elle était fière, fière d'elle, fière d'être devenue ce qu'elle était en dépit des souffrances qu'elle avait subies durant quatorze années. Ces souvenirs marqués dans sa peau par le numéro treize, visible au dessus de sa poitrine. Ce symbole qu'elle ne cherchait pas à cacher, assumant totalement cette histoire si morbide, si emplie de douleur.

» Cela faisait un an, une toute petite année qu'elle été entrée ici, une seule année depuis qu'elle avait tenté d'accumuler toujours plus de connaissances dans ces domaines favoris. Mais cette avidité croissante n'avait de cesse que lui rappelait les erreurs de Jikken et Keiken. Elle les nommait ainsi, se résignant a leur donner le nom de parents. Et même dans leur mort, elle les détestait toujours autant...